Regard d'un témoin L'accessibilité, plus que relative, de l'amphithéâtre de l'Université de Paris X à -Nanterre où se déroulait ce colloque, donnait une première réponse à la question posée : " Oui, mon handicap est une barrière suffisante pour que je ne puisse me rendre en toute liberté sur les lieux où l'on débat des problèmes et solutions de mon intégration !" La scène générale de ce colloque donnait d'ailleurs une image précise des difficultés d'intégration ; les personnes en fauteuil roulant ne pouvaient se mêler à l'assistance qu'avec l'aide d'autrui, un groupe de personnes sourdes haussa le ton avant de quitter la salle en arguant que leur parole n'était pas écoutée et, même si quelques étudiants "voiturés" ont été hissés sur la scène pour apporter leurs témoignages, la plupart des professionnels et décideurs qui dirigeaient le débat connaissaient la rassurante sécurité de l'intégrité physique. Malgré la volonté évidente des organisateurs à vouloir associer les personnes handicapées, ces faits illustrent l'ampleur de toutes les difficultés qui subsistent. De nombreuses personnes handicapées sont pourtant intervenues au cours de ce débat, et la diversité de leurs demandes, tout en marquant la limite des "solutions de masses" en matière d'insertion, confirme la nécessité impérative de 1'étude du cas par cas. Même si des milliers de retours à 1'emploi ont pu se concrétiser grâce aux actions financées par I'AGEFIPH, l'insertion professionnelle des personnes handicapées continue à mobiliser l'énergie d'un nombre toujours croissant de professionnels, à générer moult conférences/débats et à donner lieu à une prolifération de tables rondes, chartes et comités de réflexions divers. Cette énergie formidable qui semble être mobilisée pour le mieux vivre des personnes handicapées, associe mal-heureusement encore trop peu ces dernières aux réflexions qui mettent en place leur futur cadre de vie. Un avenir riche en perspectives nous a pourtant été donnés par la présentation d'expériences originales de formations et de placements, initiées et gérées par des professionnels handicapés, mais dont les acteurs ne nous ont que trop brièvement exposé le contenu. La solidarité de ceux qui partagent les mêmes exclusions et les mêmes difficultés est un facteur d'insertion qui, au même titre que d'autres, me semble pourtant avoir sa place à la tribune ! De la même façon, je regrette qu'un facteur clef de l'insertion professionnelle ait été, une fois de plus, le grand absent de ce débat : je veux parler de l'aspect non incitatif des systèmes de pension. Notre système protection sociale, au-delà du mérite incontestable qu'il a d'exister, freine en effet de nombreuses personnes handicapées qui n'osent aller vers un emploi de peur de perdre des avantages difficiles à récupérer en cas d'échec. Crainte qui, associée au plafonnement des revenus, incite souvent au repli sur soi. Ce phénomène est connu de tous, et c'est un sujet difficile qui met à mal les limites de l'action sociale, mais qui reste encore trop ignoré des débats et discussions publiques liés à l'insertion professionnelle. Il est vrai que c'est un domaine relevant de la compétence de I'Etat qui est encore ici pointé, mais ce n'est pas en continuant à ignorer (oublier ?) ce facteur fondamental que nous aiderons la réflexion de nos responsables politiques sur cc thème. Ce "frein" à l'insertion professionnelle doit être considéré comme tel, parce que ce n'est plus la déficience, on la différence qui est ici un handicap à 1'emploi, mais les diverses situations "d'êtres pensionnés" dans lesquelles, paradoxalement, la protection sociale enferme. Le ton des interventions des personnes handicapées présentes exprimait avant tout leur impatience, impatience justifiée par l'histoire qui est la leur, mais aussi la lassitude on la colère, sentiments qui font avant tout état de la volonté et du désir de participation active à la construction d'un avenir pour tous. Les moyens financiers et juridiques de cette insertion existent maintenant en la forme de la loi d'obligation d'emploi et des fonds qu'elle génère, charge maintenant aux personnes handicapées de continuer à travailler pour être mieux associées à l'utilisation rationnelle de ces moyens ; tout en n'oubliant pas, même si c'est une difficulté au quotidien, que nous ne pourrons transformer instantanément la tendance millénaire à 1'exclusion de l'infirme. L'insertion est un des grands défis de cette fin de siècle, et les personnes handicapées doivent être les artisans de cette aventure. Le Savoir, associé à notre expérience du handicap et aux moyens qui existent maintenant sont nos principaux outils dans ce but. |
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