Jean-Luc SIMON Président, par Michaël Couybes

Devenu paraplégique il y a une vingtaine d'années à la suite d'un accident, Jean-Luc Simon voit le combat associatif et militant qu’il mène depuis lors récompensé par sa nomination ministérielle au poste de président du Comité national de coordination pour la préparation de l’Année européenne des personnes handicapées en 2003.

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Si j’étais président de la République, qu'est-ce je ferais ? Je n'en sais rien. De toute manière, je n'en ai pas les capacités, je ne suis pas un politicien Mon statut, c'est militant associatif et ma profession, fomateur-chercheur en sciences sociales. Jean-Luc Simon a l'art de la répartie, le sens de la formule et le verbe haut. Et surtout un franc-parler qui séduit les uns, agace les autres, mais dans tous les cas ne laisse personne indifférent. Histoire de répondre tout de même à la question qui lui était posée, il enchaîne, dans une mimique caractéristique qui le voit tendre le cou et lever le regard vers le ciel : Pour moi, la priorité, c'est l'éducation de chacun, ainsi que le respect et l'application des droits de l’Homme par le citoyen dans son quotidien.

Vaste programme qu'aucun des douze candidats à la présidentielle n'a osé évoquer. Lui il est déjà président, et a priori peu importe le résultat des prochaines élections, il le restera pendant au moins un an. En effet, Jean-Luc Simon a été missionné par Ségolène Royal, déléguée ministérielle à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées, afin de présider le Comité national de coordination pour la préparation de l’année européenne des personnes handicapées qui se tiendra en 2003. Une belle revanche sur l'administration pour quelqu'un qui a été licencié de son poste d'éducateur spécialisé dans un hôpital public pour "inaptitude à la fonction", sans proposition de reclassement, et dont l'intitulé CPAM indique : "reconnu invalide, incapable d'exercer une activité quelconque" (sic). Mais il n'y va pas revanchard... plutôt motivé, optimiste et opportuniste, comme il le définit : Dans le sens de trouver dans une situation tous les bénéfices que l'on peut en retirer, pour les personnes handicapées comme pour lui-même.

L’EUROPE, UN ESPACE DE CONSTRUCTION POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

L’Europe est un espace de construction clans lequel les personnes handicapées sont invitées à participer, plus qu'elles ne l'ont jamais au sein de leurs propres nations, expose-t-il. J’ai accepté cette mission car la démarche correspondait à mon éthique et ma proposition de projet a été acceptée (voir encadré, ndlr). J'y vois l'occasion de reconstruire, dix ans après les importants travaux du Parlement européen des personnes handicapées, un grand projet européen et de le mettre en application dans les États membres afin que l'on débouche, fin 2003, sur une résolution assurant la non-discrimination vis-à-vis des personnes handicapées.

En effet, l’année européenne des personnes handicapées est placée sous le signe de l'anti-discrimination. Un objectif de ma mission consiste justement à mettre en œuvre et à adapter à la culture française ce concept de non-discrimination, en agissant plutôt sur le mode de l'égalisation des chances, poursuit-il. Et pourquoi pas à soulever des lièvres et dénoncer des situations de non-droit en se prenant lui-même comme cobaye ? Pour cette mission, je souhaite être rétribue, mais sous conditions : avec notamment une garantie de retour à la situation antérieure au terme de ma mission. J'ai demandé qu'on profite de l'occasion pour lancer le débat et poser la question avec les assurances privées qui complètent les pensions pour atteindre les anciens salaires des personnes handicapées. " Une mise en pratique originale de sa théorie de la pairémulation, sur laquelle il a mené une recherche pour l'obtention de son DEA en Sciences de l'éducation, et qui expose la manière dont l'expérience de certaines personnes handicapées peut profiter à d'autres personnes handicapées.


ORGANISER UNE GRANDE FETE

Mais surtout, Jean-Luc Simon souhaite que cette Année européenne soit l'expression des personnes handicapées et une grande fête. Je souhaiterais que l'on fasse venir des troupes d'artistes professionnels handicapés, je rêverais que l'on propose cles spectacles à guichets fermés et j'aimerais bien que l'on arrive à produire un CD, sur le modèle de SolenSi, impliquant des artistes handicapés, déclare t-il, plein d'enthousiasme.

Le président du Comité de coordination à la préparation de l’Année européenne est plus proche de la sensibilité globale, participative et citoyenne du handicap des standards des Nations unies, d'ailleurs affichée au sein du Groupement français des personnes handicapées (GFPH) qu'il a créé dans la filiation de l'OMPH, plutôt que de celle du Téléthon. Il a déjà peaufiné son comité d'organisation où l'on retrouvera, en charge de secteurs thématiques : une personne handicapée mentale, une personne aveugle, une personne atteinte du Sida, une personne trisomique, une personne handicapée moteur... et une personne sourde à la Communication. Encore une de ces provocations dont il a le secret ? Oui et non, de toute manière, cela ne posera pas de problème puisque j'ai demandé que des interprètes en LSF soient présents à chacune de nos réunions ainsi qu'à chacune des manifestations de l’année européenne. Et puis, peut-être est-ce une façon de mettre la lumière sur cette langue injustement non reconnue, l'un des principaux stigmates dont souffrent aujourd'hui les sourds en France.

Il ne perd pas le nord, Jean-Luc Simon. Toujours prêt à démonter les idées reçues et les croyances, et à relever les défis les plus fous. On me dit parfois grande gueule, égocentrique, autoritaire, parfois généreux, séducteur... en tout cas, je suis un tenace qui va jusqu'au bout.

Après un hiver qu'il qualifie d'entre-deux personnel et professionnel et avec l'arrivée d'un printemps qui dans sa vie a souvent annoncé de grands bouleversements, Jean-Luc Simon va poursuivre son chemin, un pied chez les valides, une roue chez les handicapés, comme il le formule non sans humour, avec cette rare autonomie que lui confère l'expérience de la condition minoritaire liée à son éducation protestante. En juin, une fois les élections passées, j'aviserai... De toute manière, depuis que je suis un militant associatif, je n'ai jamais voulu adhérer à aucun parti ni afficher une quelconque couleur politique pour la simple et bonne raison que je veux pouvoir taper sur tout le monde.

Sauf circonstance exceptionnelle, Jean-Luc Simon sera pourtant dans quelques semaines représentant d'un gouvernement... Juste le temps d'aller renouveler sa garde-robe.


Son projet

Objectifs : impliquer les usagers dans la définition et la mise en œuvre des moyens et mesures de soutien à la vie autonome.... accélérer et accompagner l'introduction des directives européennes et des recommandations des Nations unies dans la législation française..., renforcer l'action française en direction des personnes handicapées dans le monde.... participer à changer le regard porté sur les personnes handicapées et leurs familles.

Moyens : Action interministérielle, conférence européenne, assises régionales, assises nationales en décembre 2003, et des festivités tout au long de l'année 2003 et en clôture des assises nationales destinées à encourager les enfants et les adultes handicapés à produire et à exposer les fruits de leur créativité


Sa bio

1958, naît au sein d'une famille de paysans protestants du Poitou.
1976, quitte l'école avec un bac en poche et voyage dans toute la France.
1979, exerce en tant que travailleur social auprès d'enfants et d'adultes handicapés.
1981, devient papa.
1983, est victime d'un accident de la route qui le laisse paraplégique.
1984, rencontre Henri R. Cassirer, futur "guide" de son action associative.
1985, reprend des études universitaires (DEA Sciences de l'éducation).
1989, publie Vivre après l'accident aux éditions Chronique sociale.
1992, rencontre DPI (Disabled Peoples' International).
1993, fonde le GFPH (Groupement français des personnes handicapées).
1997, reçoit le soutien de la Commission européenne pour son projet de pairémulation.
2001, est missionné par la ministre Ségolène Royal en tant que président du Comité national de coordination pour la préparation de l'Année européenne des personnes handicapées (2003).

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